lundi, mai 10, 2021

Lettre ouverte à Bernard Tapie

 


Bonjour Bernard,

 

Je viens prendre des nouvelles. Pas facile, la maladie évidemment et son lot de hauts et de bas, le cambriolage et sa violence. L’incendie du Phocéa est déjà si loin. Tes vies t’ont appris que les vieilles planches et les bijoux n’ont pas d’importance. Bête médiatique depuis 50 ans, tu es un peu partout de la chanson des années 60, aux affaires des années 70, au sport des années 80, à la politique du début des années 90 et depuis, cinéma, théâtre, chanson, médias et procès. Ambitieux, truand, gouailleur, truqueur, orateur et leader, peu importe les avis et les verdicts, ta vie, c’est le grand huit.

 

La sagesse guette, l’époque est à l’apaisement. Donc mettons tout de côté, sauf le foot. Sauf l’OM. Sauf cette période dorée qui te fera rester dans tant de cœurs. Oui, laissons même de côté ton retour éphémère en 2001. Tu as façonné une partie de moi comme tu as façonné des dizaines de milliers d’enfants. La génération spontanée des supporteurs de l’OM. J’en suis et c’est ton œuvre. Comme pour Reims, Saint-Etienne, Lyon ou Paris, les grandes épopées ont tatoué une identité commune pour des générations, puisque la passion d’un club se transmet religieusement. Je suis né au foot un 14 avril 90 et un doublé de Waddle contre Bordeaux, je suis devenu Marseillais 4 jours après, à la vue de la main de Vata.

 

L’OM restera ta plus belle réussite en utilisant les mêmes recettes que pour tes autres boîtes comme Terraillon, Wonder, Look, La Vie claire, Hinault, Adidas. Reprendre, assainir (les comptes), alléger (les charges) avec cette équation simpliste : les emplois supprimés s’effacent devant les quelques-uns conservés. L’objectif est toujours affiché : le bénéfice. Voilà comment l’OM s’est offerte à toi pour 1 franc symbolique, deux ans après sa remontée en Division 1.

 

Sans être en avance sur ton temps, tu as su incarner ton époque où la quête de l’argent dictait tous les écarts, en politique, en affaires et en sport. Obnubilé par la notoriété, faire parler de L’OM, c’était faire parler de toi, et inversement. Ne pas laisser indifférent, charmer, convaincre, dégouter, occuper l’espace, quitte à le saturer. La télé a été tienne, radios crochets, publicité, ton émission « Ambition », les émissions politiques et sportives, Véronique et Davina, le théâtre, le cinéma (merci Lellouch) et la reconnaissance ultime des 90’s, la marionnette aux Guignols de l’info. Nanard, la truculence, la provocation, la Combine à Nanard et la burne. L’Académie française a préféré « couillu » à « burné », tu es passé près de l’immortalité.

 

Les réseaux sociaux aidant, les souvenirs glorieux de cet OM sont systématiquement fêtés. J’ai atteint l’adolescence avec Bari, j’ai vu Furiani en direct, j’ai connu l’extase de Munich, j’ai failli tout quitter après Valenciennes. J’ai vibré pour tes joueurs, tu n’étais pas sur le terrain mais tu étais l’incarnation de cette équipe. Tu as su persuader le monde que sans toi, jamais de Papin, Waddle, Mozer, Pelé, Stojkovic, Voller, même Giresse ou Tigana, ou de Vercruysse, Francescoli, Cantona, Boli ou Barthez, mais merde quelle équipe. Je veux le triplé de Papin en finale de coupe de France, la volée de Waddle contre Milan, la tête de Boli contre le PSG. Je veux le combat médiatique contre la Cadillac de Bez et l’instrumentalisation de la province populaire contre la capitale hautaine. Lisbonne, Bari, Valenciennes, Munich, c’est le voyage initiatique de la France qui gagne. Mais à quel prix ? Sans 1993, 1998 existe-il ?

 

Dilemme footballistique, tu es dans le Panthéon des problèmes insolubles, entre la tête de Zidane de 2006 et la main de Henry en 2009. Au moins tu as ramené la Coupe à la maison. Aujourd’hui, tu es invité comme un vieux sage pour parler de tout de rien et régaler l’auditoire de derniers rugissements. On s’en fout et toi aussi, personne n’est dupe. Tu es vivant, tu montres qu’on peut toujours se battre, qu’il ne faut jamais rien lâcher. Quand tu chantes « C’est beau la vie », Doc Gynéco te répond « Y’a que les morts qui ne parlent pas ». Reste. Tu cabotines si bien.

samedi, mai 23, 2020

Lettre ouverte à mon obsession


Notre relation est née le 14 avril 1990. C’était les vacances de Pâques et je t’ai rencontrée chez le meilleur ami de mon père, l’ancien Président du club de Trans-en-Provence. Je te connaissais vaguement comme un jeu de cours de récréation, c’est tout. 14 avril 1990, Marseille reçoit Bordeaux. Je me souviens seulement des deux coups-francs de Chris Waddle, deux coups de tonnerre transformés en un coup de foudre. Je n’ai pas pu attendre longtemps pour te revoir. 18 avril 1990, demi-finale retour de Coupe d’Europe des clubs champions, Benfica Lisbonne – Olympique de Marseille. Pour la deuxième fois en 4 jours, je vois ce maillot bleu et blanc. Les rouges marquent et nous éliminent, oui maintenant ce sera « nous » et rien d’autre. Il y avait main, l’arbitre ne l’a pas vue, j’en suis encore révolté. C’était il y a 30 ans, je suis toujours fou de toi et je veille sur notre enfant, mon Olympique de Marseille.

Les deux coups-francs de Waddle en direct sur Canal+ sont ici.

Mais depuis deux mois c’est le silence, tu as disparu. Tu ne réponds plus, tu m’as ghosté. Oui la vie continue et je vis. Je me nourris tant bien que mal, je bois pour oublier, je vois des amis à la place de nos soirées ensemble. Je dévore nos souvenirs, je regarde nos vidéos, je lis nos livres, je feuillette tant de photos jusqu’au milieu de la nuit. Je souffre. Mais le temps fait son œuvre et de nombreuses questions émergent. 30 ans, c’est long, 30 ans, c’est usant. Nos moments ensemble sont-ils encore assez intenses, désirés, heureux ? Ne nous sommes pas trop vus depuis ces années, portés par la force de l’habitude ? T’attendre chaque fin de semaine a maintenu cette flamme intacte pendant longtemps, la rareté est si chère. Et tu as voulu davantage, me voir tous les jours, je n’ai pas dit non, cela me semblait le seul moyen de combler nos désirs. Tu es devenue une drogue et mon addiction s’est empirée. Le paradis perdu des premiers temps a laissé sa place à un paradis artificiel. Tu as succombé aux sirènes faciles de prétendants malintentionnés qui en prétextant parler de toi vomissent un flot ininterrompu de bile inepte. Tu les as laissé faire, tu aimes bien qu’on parle de toi, le silence t’effraie davantage. Pour nous protéger, je dois me restreindre par peur de te voir sous une lumière tronquée, je dois me restreindre pour garder le feu sacré. 30 ans à tes côtés et depuis deux mois, je te vois t’éloigner, tu es devenue une silhouette diffuse, lointaine. Ai-je encore envie de te rejoindre ? N’ayons pas la lâcheté de nous séparer sans se parler et j’ai tant à te dire.


Tu m’as fait rire, tu m’as fait pleurer, tu m’as fait hurler, tu m’as fait courir. Tu m’as fait rencontrer tant de personnes géniales souvent, généralement obtuses mais passionnées tout le temps. J’ai dû te défendre contre les a priori faussement élitistes et sincèrement stupides de ceux qui ne te connaissent pas, tout en prétendant le contraire. Je t’ai défendue sans relâche ni concession,  même si pour les autres, t’aimer était synonyme de bêtise, violence et mauvais goût. Je n’ai rien lâché, cela a été un combat épuisant. J’ai été fier de finalement entraîner des proches dans cette folie pas si douce que cela. Liés à jamais face au monde entier, nous avons rencontré d’autres comme nous dans les années 2000 avec l’essor de nouveaux supports. Te partager avec d’autres passionnés, pas facile. Rien moins qu’un renoncement, notre relation a vécu des années folles, incroyables portée par toutes les émotions, des plus basses ou plus pures. Je n’en ferai pas la liste, nous risquerions de ne pas être d’accord sur tout / du tout.

Mais 30 ans, je le sais, je le sens, ce n’est pas suffisant. Oui je suis conscient de tes défauts, je les connais depuis des années et parfois ils sont difficiles à supporter mais ce n’est rien face à ton absence. J’en veux plus, j’en veux toujours plus, je veux des ébats, des débats, des disputes, des cris, des rires et parfois un peu de larmes, mais, ne t’y trompe pas, Bari c’est fini. Je veux te retrouver apaisée, assainie, et tant pis si certains blasés pontifiants et mauvais coucheurs lénifiants se désintéressent de toi, n’en prends pas ombrage. Je te veux prête à tout pour le jeu et à me faire défaillir sur un pénalty raté, sur un poteau en prolongation ou sur une reprise de volée en pleine lucarne. Du jeu, des émotions, le bonheur de sentir ton jeu insaisissable, de défier les lois de la physique, de contredire les statistiques, je veux voir ton audace tout emporter, de l’audace, de la vie, de la vie, tout sauf ce moment de mort cérébrale. Aimons-nous vivants évidemment, j’ai tant besoin d’étoiles.

vendredi, avril 17, 2020

Christophe, tristesse sans couleur



Et il y a les morts qui nous touchent de manière irrationnelle. J’ai pleuré ce matin en apprenant le décès de Christophe. Tristesse de l’annonce exacerbée par un contexte anxiogène où nous sommes réduits à voir les gens tombés dans des statistiques froides et un bilan provisoire qui gonfle tous les jours peu après 19h. Liée ou pas à ce virus, je pleure Christophe, ses textes, sa personnalité, son parcours et de notre relation, ensemble, à deux moments séparés de 25 ans.

Cela a commencé dans le garage de mes parents. J’aimais fouiller les lieux un peu oubliés de la maison, là où on pose des boîtes en disant qu’elles sont bien là. Et on les oublie. Et quelqu’un d’autre les trouve. J’ai découvert Christophe dans une boîte poussiéreuse où étaient rangées les cassettes audio des sixties de la jeunesse de mes parents. Loin de l’effervescence du rock et de l’émergence hippie, ils ont surtout subi l’époque yéyé à la française. J’ai découvert en écoutant secrètement ces cassettes et les tubes qui les faisaient danser. J’y ai passé des heures, je connais encore un grand nombre de ses chansons, inavouables, par cœur. L’enfant qui veut partager l’histoire de ses parents n’a pas de honte. Aline avait une belle place, parce que tout Français moyen connaissait au moins le refrain et pouvait en faire une chanson de fêtes familiales lorsque le fameux oncle gênant que nous avons tous, décidait de prendre la dernière bouteille vide pour beugler le départ douloureux de cette Aline. Je dis cela mais je n’en ai pas le souvenir dans les repas à la maison. L’image est pourtant tellement quasi réelle. Petit, je mettais souvent cette chanson dans la même catégorie que Capri c’est fini, nous sommes dans un registre indéniablement assez proche dans le propos. La comparaison ne résiste pas très longtemps à une écoute légèrement attentive, que je n’ai pas faite. Alors, j’ai fermé cette boîte et ai suivi mon propre parcours musical, assez chaotique. J’ai laissé Christophe et les yéyés de côté, persuadés qu’il n’y avait plus grand chose à en tirer qu’une madeleine personnelle et ringarde.

J’ai redécouvert Christophe il y a 5 ans, poussé par ma compagne qui voyait d’un œil étrange mon snobisme prétentieux et mal informé. J’ai pris une bonne claque entre révélation et regret d’être passé à côté tant d’années. J’ai écouté des centaines de fois Les paradis perdus, Daisy, Les marionnettes, Succès fou , La dolce vita, Les mots bleus, certains lives, des duos… des milliers de fois sans doute parce que j’ai ce côté excessif quand j’aime. J’ai écouté les textes, j’ai écouté les variations des arrangements et des mélodies d’une version à l’autre et j’ai aimé. Ce n’est pas le plus grand artiste mais il y a des amours irrationnelles, tardives, et qu’on n’a pas envie d’expliquer plus avant. Le hasard a fait qu’à peine quelques mois plus tard, il sortait son dernier album et aller chanter Salle Pleyel où sommes allés. J’ai passé l’un des meilleurs concerts de ma vie. Cynique, drôle, accessible, prenant son temps, une mise en scène efficace et belle, j’ai découvert une personnalité qui a plus de 50 ans de carrière, détachée des contingences classiques, qui vit la nuit et profite des plaisirs qu’il s’offre. Autrement dit, il s’en fout et il nous le partage avec bonheur. Il glisse cet œil fatigué et exigeant dans ses chansons, il traîne Aline comme un boulet rassurant, son public n’est pas pour cela, il est là pour tout le reste. Il en profite aussi, il profite de toutes ses nuits et ne doit pas être contre des rencontres aléatoires, je ne le vois pas dire non à quelques phrases dans un bar poussiéreux. Cette légèreté est salutaire et cela flotte trompeusement dans ses chansons, accentuée par cette voix si particulières. Faussement légères, faussement faciles, les mélodies restent, se tordent, se réinterprêtent sans fin par lui-même et ceux qui les reprennent. Il était fan de Bowie, aimait beaucoup Lou Reed et Bashung et n’était pas très loin de Gainsbourg. Ce matin, j’étais triste. Triste de perdre un lien supplémentaire avec la jeunesse de mes parents, avec la mienne. Triste de ne pas avoir mieux suivi cette carrière et de l’avoir écarté par bêtise. Triste d’écouter une fois de plus un bel artiste sans plus pouvoir le voir sur scène. Triste de ne plus avoir à attendre un nouveau titre ou un nouveau concert. Il restera ce superbe souvenir de cette soirée à Pleyel, un de plus avec elle.








mercredi, janvier 23, 2019

L'indécence, cet enfer

Il ne sera rien dit de plus sur la disparition de Sala ici. Il ne sera rien dit qui puisse être un hommage morbide de plus, certains diront ou feront comprendre qu’un hommage est un hommage, peu importe l’angle journalistique. Ce fameux angle au football que l’on admire fermé et que l’on considère obtus pour les imbéciles. Et il y en a. Le décès de Sala est tragique, oui, nous le savons. Je suis triste. Je suis triste parce qu’un homme est mort qui n’avait lui, pour défense, que ses jambes ouvertes à la vie (et non les bras pour Paul Eluard lors de son poème pour Gabriel Péri). Péri, Sala l’est pourtant.

Beaucoup d’hommages et les plus émouvants sont les plus discrets car ils ont cette dignité que personne n’ose troubler. Le rassemblement spontané à Nantes est encore la preuve que ce sport véhicule davantage qu’une mondialisation à outrance et Sala n’en est évidemment pas une figure de proue, ni vivant, ni mort. C’est complètement con et sans appel. Je passe sur des offres commerciales bizarres, des raccourcis funestes avec Cerdan ou même des clins d’œil complices avec Bergkamp. Un homme est mort et il n’y a pas de place pour tout cela. Le seul que je salue est Didier Roustan qui dans un hommage personnel tient à poser certaines questions et avant tout, tient à questionner, sans trouver de réponse, sa propre démarche. Sans la qualifier, il est remarquable de conserver cette hésitation, de la partager en trouvant le ton et la bonne explication, en faisant juste parler son cœur : Sala n’était pas une star, n’était pas un familier des médias et était un joueur que l’on découvrait constant en Ligue 1, c’est à peu prés tout. Sala n’était pas une star et n’allait sans doute pas devenir ballon d’or. Il ne faisait pas partie du premier cercle des joueurs qui nous accompagnent plusieurs années. Pourtant, le monde de football est triste, un homme est mort, un seul, dans cette grande famille cynique et souvent hypocrite.

Oui ensemble, réuni autour de ce destin tragique, ensemble mais avant tout chacun dans son coin. Il serait quand même dommage de rater l’occasion d’être publiquement, et personnellement, triste et de l’afficher comme un drame, une chose qui nous touche vraiment, hein, on n’a presque les larmes, c’est important l’empathie, parler d’une histoire difficile, d’un battant, d’un héros de l’ombre presque. Alors qu’au final, il ne s’agit que d’un connard de plus prêt à aller jouer dans un sale club même pas vraiment en Angleterre pour gagner quelques centaines de milliers d’euros, le tout en voyageant dans un avion privé. Non on va aller jusqu’où comme ça ??!! Et pourquoi pas allumer un cierge à chaque mort dans un club amateur, vous savez ces jeunes qui font du foot même pas payés et qui crèvent sur un terrain devant les yeux de leurs familles qui bouffent des chips au paprika en buvant au mieux du coca, au pire de la bière coupée à la flotte. HEIN POURQUOI PAS ?? Et puis tiens, on ajoute les autres crashes d’avion, on oublie parfois Vichaï, feu le président de Leicester (oui mais lui c’était un hélicoptère, ah pardon, soyons précis), pas du tout symbole de la mondialisation non plus. J’aimerais aussi ajouter les sportifs morts dans la mer comme Tabarly, et puis les morts dans la mer tout court. Je pense à Aylan, vous l’avez oublié, l’enfant sur la plage, le migrant. Le vrai symbole de la mondialisation qui tue à grande échelle. Vous trouvez que je mélange tout ? Il aurait mieux valu qu'il signe au Real Madrid pour être une victime de la mondialisation. Elle est là l'indécence. 




mardi, novembre 27, 2018

Henry, preuve de l'ennemi

Soyons sincères, soyons honnêtes et arrêtons de prétendre être impartiaux. Je ne le suis
pas et si je ne le suis pas, vous ne l’êtes pas. Vous ne l’êtes pas et ne démentez pas. Je
vous vois là pensifs, sceptiques, désabusés avec un rictus impatient et désagréable, avec
comme seul objet de désir l’odeur du sang qui met en émoi vos sens de primates et
réveille votre regard de prédateur. CALMEZ-VOUS, calmez-vous, calmez-vous.
Vous n’aurez pas la peau de Thierry Henry si facilement. Vous ne tuerez pas cette
légende vivante du football glorieux en déversant votre bile aigre de jalousie. Vous
jalousez oui, vous piétinez, vous dépérissez en direct à le voir sur un banc français match
après match. Votre seul espoir est de le voir comme un taureau pris dans la panique de
l’arène, affoler devant la possibilité d’un carton rouge. Vous souhaitez enfoncer vos
picadors et le voir souffrir en devenant le loser qu’il n’a jamais été.
Thierry Henry n’est pas une personne sympathique. Et alors ?
Thierry Henry n’est pas une personne humble. Et alors ?
Thierry Henry n’est pas le franchouillard commun dont la physionomie bonhomme se
rapproche du supporter lambda, davantage lambda que supporter d’ailleurs.
Thierry Henry a toujours jugé l’efficacité personnelle comme un préalable aux bons
résultats collectifs. Oui. Et alors ?
Thierry Henry attire la lumière, il électrise partisans et opposants. On lui élève une
statue ailleurs, alors qu’il est sifflé chez nous. On vénère ses records ailleurs, alors qu’on
doute de l’honnêteté d’un des plus beaux records français. On crie ici à son
opportunisme, à son individualisme, à sa vanité, à son hypocrisie pour ses rires comme
pour ses pleurs. On s’émeut ailleurs de sa sensibilité, on s’attache à ce buteur qui rend
fierté à un club désespéré en ne reniant pas sa personnalité et en faisant de son vestiaire
une machine redoutable. Ses partisans savent ce qu’il a apporté avec des gloires
nombreuses et des échecs marquants. Ses quelques échecs dont se goinfrent sceptiques
et critiques qui pensent tenir une victime facile car elle ne leur répond pas et s’en fout.
Est-ce qu’on l’entend d’ailleurs, lui, Thierry Henry, se plaindre que la moitié du globe lui
renifle le cul en pensant trouver de la merde ?
Peu importe qu’il ait des circonstances atténuantes pour ses débuts en tant
qu’entraîneur, avec une équipe en fin de cycle, vieillissante, blessée, un président multi
inculpé depuis hier, une équipe qui est allée très haut avec de superbes joueurs, depuis
vendus grassement. L’AS Monaco est au plus mal depuis des semaines, elle a perdu son
gourou. Si Thierry Henry ne fait pas l’affaire, c’est parce que nous sommes proches de
l’accident industriel. Henry n’a pas besoin d’être défendu, par personne. Et avoir M. 16
euros 90 comme avocat est plutôt contreproductif. Il pourrait dire que le Sida c’est mal,
on viendrait à en douter. Mais il énerve dans ses entretiens avec la presse, il développe
sa pensée, félicite ses joueurs, couvre son équipe, contredit les mauvaises observations
des journalistes. Même lors de la défaite contre Bruges, il tient le cap, il parle, on
l’interrompt, il demande poliment à ne pas être interrompu, quoi de plus normal. Il
remercie quand on le laisse continuer, quoi de plus poli. Il est irréprochable et cela

énerve car on ne le manipule pas, on ne l’énerve pas et il répond avec les épaules solides
du grand joueur qu’il restera dans l’histoire. Plus de 900 matchs pro, plus de 400 buts,
coupe du monde, euro, ligue des champions, championnats, coupes nationales,
distinctions personnelles prestigieuses. 19 ans de carrière, 4 clubs où il est resté au
moins 3 ans, mais allez-y, lâchez-vous bande de chiens.
Souvenez-vous au moins que Deschamps en 2001, premier poste d’entraîneur à Monaco
alors 19 e , a attendu son 6 e match après 3 défaites et 2 nuls, comme Henry donc, pour une
première victoire. On connaît la suite.
Ou alors. Ou alors. C’est une autre hypothèse probable. Thierry Henry se plante
vraiment, se vautre. Je lâcherai peut-être un « bien fait pour ta gueule », mais il ne
pourra pas dire que je ne l’ai pas défendu. Mon baiser de Judas propre, à moi, pour tous
ceux qu’Henry a laissés derrière lui pendant tant d’années. Et une bise, une vraie, sincère
et émue au plus grand buteur français de mon coeur, le Roi David. On n’oubliera pas.

vendredi, octobre 12, 2018

La trahison éclair - Hors Jeu l'émission n°3


« Tolstoï conte qu’étant officier et voyant, lors d'une marche, un de ses collègues frapper un homme qui s'écartait du rang. Il lui a dit : « N'êtes-vous pas honteux de traiter ainsi un de vos semblables ? Vous n'avez donc pas lu l'Évangile ? ». À quoi l'autre répondit : « Vous n'avez donc pas lu les règlements militaires ? ».
Cette réponse est celle que s'attirera toujours le spirituel qui veut régir le temporel. Elle me paraît fort sage. Ceux qui conduisent les hommes à la conquête des choses n'ont que faire de la justice et de la charité.
Toutefois Il me semble important qu’il existe des hommes, meme si on les bafoue, qui convient leurs semblables à d’autres religions qu’à celle du temporel. Or, ceux qui avaient la charge de ce role, ne le tiennent plus, mais tiennent le role contraire.”
Avant-propos de la première édition de La Trahison des clercs de Julien Benda, 1927.
Nous sommes 91 ans après, la situation a empiré. La situation a empiré car les clercs ne sont plus ceux de l’époque et nos lumières ne sont que des gloires médiatiques. Le rôle de leader des foules est conduit par des sportifs célèbres, populaires et dont le mérite a, contrairement à tous les autres corps constitués de la société, été de faire rêver la population. Ils ne souhaitent finalement qu’une chose, celle de vouloir vivre leur après-carrière comme la suite de cet état de grâce, les compromissions sont-elles si importantes finalement ? A leurs yeux, non, car un politicien ou un autre ne changerait rien. Ce n’est pas l’échec de Lula et de des successeurs qui conduisent Ronaldinho ou Lucas Moura a choisir le camps du déshonneur, qui n’est pas cette fois-ci, le camps des loges.
Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. C’est le Christ sur sa croix qui appelle à la clémence ; c’est le Christ qui appelle au pardon du crime que ses juges commettent, ils ne savent pas ce qu’ils font. Clémence, repentance, réconciliation face à la peur, à la bêtise et à la haine. Il n’y aura jamais de meilleure conclusion que la citation de Yoda : “La peur est le chemin vers le côté obscur : la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine… mène à la souffrance.” Est-il seulement possible que personne ne fasse apprendre cette phrase par coeur à l’humanité. C’est pourtant la solution.
Sachant cela, chaque appel aux votes pour ces brutes est autant de futur crime. Il n’est plus temps de sourire poliment en excusant l’erreur de jeunesse, l’erreur d’éducation, l’erreur tout court. Et là nous avons le choix, il y a deux écoles : soit Ronaldinho a une réelle conscience politique et sa prise de position est celle d’un connard écervelé ; soit Ronaldinho est l’instrument de conseillers qui ont plein de choses à gagner et sa prise de position est celle d’un écervelé doublé d’un connard.
La responsabilité d’un footballeur est immense mais elle s’arrête au football, c’est autant à lui de le comprendre qu’au public gavé de prédicateurs fins de race, traîtres en tout genre et adeptes de toutes les acrobaties pour l’antenne en ayant la bouche pleine de leur propre diarrhée. Comme le prochain opus de Human Centipède avec Praud, Barbier, Menes, Djellit, Favard, Gazan, Verdes et autres parasites.
Je pourrais dire, laissons Ronaldinho où il est, mais ce serait également abandonné ceux qui croient, par quelle raison exacte je n’en sais rien, ceux qui croient que son soutien à un sens pour leur quotidien et leur avenir. Ne laissons pas Ronaldinho tranquille, ne laissons pas Lucas Moura tranquille, ne laissons pas ces gens se servir de la simplicité de ceux qui les ont portés aussi haut que le soleil pendant leur carrière. Ne laissons pas ces gens être instrumentalisés par des conseillers qui savent qu’un Ronaldinho vaut dans le débat, dans les urnes cela reste à valider, plus que nombre de promesses. Ne laissons pas se propager l’idée que le rejet de l’autre et de la différence sont des gages pour une plus grande prospérité et puis quelle prospérité, pourquoi en faire l’objectif de l’humanité. Ne laissons pas gagner l’idée que la prospérité vaut mieux pour un petit nombre car les parts du gâteau seront plus grandes. L’arabe, le juif et la pédale qui sont autour de cette table le savent bien. Croyez-en un beau blond propriétaire à Paris, et ailleurs, pour qui la réussite n’a qu’un seul défaut, celle des possibilités et donc des limites de l’être humain. Mais je m’égare et je voudrais enfin trouver la solution à cette énigme qui m’obsède, est-ce que Céline est un méchant ? Mais évidemment qu’il en est un, c’est un salaud, un fils de chien, c’est une putain de raclure, mais c’est le plus grand écrivain. Voilà tout le problème, le génie doit être universel, dans son propos, sa tenue, le choix de ses positions, il a la chance de pouvoir léviter autour des contingences du temps. Il a le devoir de nous parler, ils le savent tous et derrière l’excuse de vouloir nous montrer ce que nous voudrions voir par leurs yeux, ils nous montrent la petitesse de l’être pourrissant que nous sommes tous, fait de chair, de sang, de beaucoup de vide et pas mal de merde, être terriblement normal qu’ils ont finalement choisi de rester, avec la certitude de mourir avec leurs contemporains. Ci-gît Ronaldinho Gaucho et Lucas mourut.


Retrouvez l'émission horsjeu.net ici : https://www.twitch.tv/horsjeupointnet

jeudi, avril 12, 2018

Francis Van Nobel 2017 - Vie et mort du Comité de vigilance médiatique

Le comité est mort. Le comité est mort de son vivant, le comité est mort d’avoir trop vécu, mais surtout, le comité est mort d’avoir trop bien vécu. Quelle vie ! Quelle vie !!!

Le comité n’est plus. mais maintenant vous êtes là.

Quel destin ! Quel destin inique d’avoir à suivre autant de décérébrés. Quand on pense que certains cercles bien pensants s’accordent encore à dire que les footballeurs et les supporteurs sont des cons. Alors qu’il suffisait de mieux pointer le curseur et de s’apercevoir que la plaie béante, suintante, en constante infection qui gangrène les esprits en jouant les Jeanne d’Arc en mauvais papier, cette putréfaction avancée vient de cette corporation népotique, fruit de relations consanguines entretenues sur plusieurs générations pour donner comme unique résultat positif, le développement d’un virus bien identifié dans les contrées isolées de nos montagnes : le crétinisme alpin. Non le comité de vigilance médiatique n’est pas de salut public, il est juste l’arme hara kiresque de la presse sportive. Puisqu’il s’agit d’elle mes amis, nommons-la. Pendant 9 ans, 9 ans, 9 longues années, chaque jour, de jeunes femmes et hommes ont bravé le confort pré-apocalytique de nos sociétés qui n’ont de moderne que le numéro d’année qui grandit automatiquement tous les 12 mois. Ils ont défié la folie en s’y plongeant corps et biens… et mal aussi. Ils ont vogué sur le styx de la fange de ce qui se fait de pire. Certains se sont noyés, d’autres ont fui, peu sont vivants et il est rassurant de dire que ceux qui sont restés n’en sont pas sortis indemnes. Marqués à vie, ils le sont. Redevables, nous le sommes tous. Lecteurs de partout, journalistes de tous les dessous, détracteurs et jaloux, envieux et ripoux, objets de tous les courroux,

du Titanic dressé sur sa proue, le comité nous a dissous en digérant pour nous les égouts et la boue. Pourquoi des rimes en ou ? Parce que c’est le mot de toutes les questions qui nous taraudent maintenant ? Où trouver dans l’avenir l’équivalent du Comité ? Où sera la source purificatrice de cette diarrhée purulente qui nous submerge ici, là et ailleurs ? Où est donc la justice divine qui fait triompher le nombre grandissant de crétins au rythme toujours effréné d’émission qui n’ont qu’une chose à dire : ne zappez pas ? Le comité n’est plus mais maintenant vous êtes là.


Le comité n’est plus et c’est la plus belle des victoires. L’épée du comité est restée longtemps dans le corps de sa victime, il est important d’achever les souffrances, de retirer la lame et de laisser jaillir ce flot ininterrompu, chaud et collant, visqueux, désagréable, inconfortable. Le comité vous a nourri mais encore plus par la répétition quotidienne de cette récolte inespérée, le comité a permis d’aiguiser un regard pavlovien sur la sémantique du football. OYEZ OYEZ !! Gardez tous une seule vérité en tête à partir de ce soir, vous n’avez sans doute plus besoin du comité.

Le comité ne vous a pas offert du poisson, il vous a offert un bateau de pêche pour les grands fonds. Le comité a souligné tant d’inepties que vous saurez évidemment les reconnaître. Le comité a pointé tant de discours faciles que vous saurez évidemment les reconnaître. Le comité a cité tant d’auteurs nécrosés de leur suffisance à s’écouter aligner les platitudes que vous saurez évidemment les reconnaître. Le comité s’est fait tant d’ennemis de l’honnêteté intellectuelle qu’à chaque retournement de veste ukrainienne, évidemment, vous saurez les reconnaître. Le comité a tant de fois défailli devant les gigotements vains de ces pauvres hères en mal de reconnaissance que vous saurez évidemment les reconnaître. Gonflés de ces années, vous êtes tous le comité autant que le comité a été vos yeux pendant ces années. Le comité n’est plus mais maintenant vous êtes là.

Ils sont nombreux, les délateurs, à avoir été de l’aventure de HorsJeu bien sûr, ils ont tous été à un moment ou un autre cité dans le comité. Même une fois, mêmes sans écrire, même sans se faire connaître, même même même sans avoir été cité parfois. L’histoire est belle, elle est celle des internets 2.0, elle est celle débutée comme moi sur feu le forum du site d’avant. Ce forum où un seul homme faisait sa loi, chassait l’imposteur, reniait le sérieux, dénigrait l’arriviste. A sa matraque, chacun se soumettait, chacun dessous Moké. Le comité le rejoint sans jamais l’avoir vraiment quitté. Il y avait les gros membres, il y avait Moké, il y a eu tous les suivants. Le comité, ce n’était pas seulement le bonheur malsain et sadique de dénoncer la connerie sortie de son contexte, c’était également un jeu sans aigreur, se donner la distance pour voir ce qui ne faisait pas intelligence, ce qui sonnait faux dans cette marée quotidienne d’articles, d’alertes, de notifications et de brèves évidemment de comptoir. Et c’est enfoncer une porte ouverte que de dire que c’est sur ce déferlement d’informations que certains médias jouent pour ne laisser le temps à personne d’analyser, jusqu’à oublier eux-mêmes de le faire, jusqu’à oublier l’existence de l’analyse. Le jeu est justement de dénicher ce qui sorti de son contexte, peut être différemment interprétable selon la lecture, le lecteur, le moment. Le comité n’a jamais été ce que ses victimes, forcément consentantes, faut pas abuser, à débiter autant de conneries pendant si longtemps, il faut y mettre de l’intentionnel, ce que ses victimes dénonçaient : un jeu de fléchettes faciles où les auteurs drapés d’un anonymat quand même bien relatif s’amusait à tordre des textes qui, et tout le monde le reconnaîtra, n’avaient rien de littéraire, ni de sportif, ni d’informatif.
Le comité n’est plus mais maintenant vous êtes là.

Le comité n’est plus parce que comme pour tout la connerie va trop vite et que nous avons beau y mettre toute notre bonne volonté, nous ne suivons plus aussi bien que nous le voudrions. Nous recentrons nos activités sur le développement des filières chinoises de moins de 15 ans. Trop de médias, trop de Rastignac loanesque, trop de réseaux sociaux, finalement il n’aura manqué que 2 ou 3 millions de lecteurs pour nous assurer une rente pionnière dans la start up nation. Nous sommes restés à l’époque du brassage de l’air et de la vapeur. Le comité n’est plus mais vous êtes là. Vous êtes libres de continuer non pas la lutte mais ce jeu, juste ce jeu, car il faut en rire. « Je me presse de rire de tout de peur d’avoir à en pleurer » Beaumarchais fait dire à son Figaro Magazine dans le Christophe Barbier de Séville 1982 cette phrase définitive. Rions, riez, continuez de faire vivre cette passion en y apportant le peu de rigueur intellectuelle qu’il nous reste, le peu d’intégrité et de probité, cette intolérance à la facilité qui nous colle souvent au niveau du gazon le plus saint, tout aussi plaisant que cela puisse être parfois.
Le comité n’est plus mais heureusement vous êtes là et c’est aussi à mes camarades de cette folie qu’est HorsJeu que je m’adresse.


@TheSpoonerWay