vendredi, mars 30, 2007

Un D'Estaing en vert

Parler de Giscard pour quelqu'un né sous Mitterrand, c'est parler de la préhistoire, c'est parler de Sainté. Tuons le suspens dès le début, Giscard est mort politiquement le mois où Saint-Etienne est mort sportivement, en mai 1981. Nés sous De Gaulle tous les deux, les verts ont sombré avec l'arrivée providentielle du rose. C'est le glas des 30 Glorieuses, la fin des pattes d'eph, du papier peint monstrueux, des placards en formica et de la mode du lino. L'ange vert a précédé le démon argent, les étoiles des 70's ont été éclipsées par les stars des 80's, et les diamants de Giscard répondent étrangement à la fameuse caisse noire stéphanoise. Mais comment ne pas être redevable à ces jeunes chevelus en maillots en côton et en shorts serrés de nous avoir fait oublier un temps les costumes à carreaux, les cravattes carrées (oui... encore...) en laine, et l'impitoyable accordéon de l'aristo de Chamaillère?

L'épopée des verts a incarné la fin d'un cycle, celui du Français heureux de perdre dans une innonence à pleurer et un populaire suragé. C'est aussi la fin du monopole de la droite au pouvoir. Oyez oyez!! La France est heureuse de vous annoncer une nouvelle défaite et venez applaudir les perdants défilés sur les Champs Elysées!! Encore les Allemands.

1976 c'est la fin des illusions des 30 Glorieuses donc. Les Verts disparaîtront face aux nouvelles machines tout en finance que sont Marseille, Bordeaux et Paris. Giscard sera la victime future de la nouvelle génération des politiques de droite menée par Chirac, qui a déjà décapité Chaban et Poher sur les cendres fumantes de Pompidou.

Le drame de Glasgow était déjà sans doute écrit. Et Giscard devra même partager son monopole du coeur en le brisant en 1976.

La fin d'une belle époque, car le chômage est là, naissant, tapis dans l'ombre, car Chirac est là, naissant, tapis dans l'ombre. De l'autre côté le Parc des Princes sort de terre et son ombre couvrira le chaudron encore frémissant.

De 74 à 77, Giscard a fait croire. De 74 à 77, les verts ont fait croire. De 74 à 77, les Français ont cru. Les Français ont cru que l'on pouvait conserver une croissance forte, que l'Europe était l'avenir que les Allemands resteraient bienveillants.

La croissance devait stopper et les verts sombrer contre les bombardiers allemands sur la terre de nos ennemis ancestraux, là-bas, de l'autre côté de la Manche, là-bas, un soir de printemps 1976, un crash sur des poteaux carrés. Chirac, lui, a déjà en tête de torpiller Giscard.

Les 70's donnaient tous les signes du neuf. Giscard est élu contre un multi-ministre de la IVème République, c'est un souffle nouveau, on croit même que la droite va changer. C'est également l'épopée, la fameuse, qui commence officiellement cette année-là contre Split en Coupe d'Europe des clubs champions. Les Munichois nous rappellent déjà à notre rang d'éternel outisder en demi-finale, printemps 75, et battent Saint-Etienne. Comme d'habitude. Acte 1 and see you next year.

L'automne suivant, les espoirs se confirment et Rocheteau, l'ange vert fait disparaitre les Rangers... de Glasgow... Acte 2 et on repassera, on a bien aimé le stade.

Acte 3, on va se faire un peu peur. Le Dynamo Kiev de Blokhine à l'époque où la RDA gagne la seule opposition face au frère ennemi ouest-allemand, l'est est de taille contre l'ouest pour quelques années. En France, les Verts portent un souffle, une vague, un raz de marée. Après une lutte de haut vol, les Ukrainiens perdent en prolongation avec un match retour épique, un scénario improbable, mais c'est fait et on se voit croire. La demi écartera le PSV, un match fermé avec un Curkovic impassable. Acte 4, on ne s'arrête plus sinon le film s'arrêterait là. Les verts gagnent et la France espère gagner seule. Giscard fait partie malgré lui de cette jeunesse, plus jeune Président français, forcément, on veut autre chose. On veut aller vite, gagner, conquérir l'Europe. Et qui mieux que les Stéphanois représentent cette France laborieuse, qui mieux que Saint-Etienne représente une histoire industrielle qui réussit ? L'histoire de Saint-Etienne est celle de Giscard lorsque les deux sont en haut.

Acte 5, on doit pleurer. Le spectacle continue, doit continuer. Il ne suffira pas de citer les acteurs de ce film hollywoodien, mais Herbin, cette tignasse rousse en phare devant Larqué, Santini, Curkovic, Lopez, Bathenay & co. En 76, les Champs Elysées leur sont déjà réservés. Mais le bloc se fissure, et c'est l'Elysée qui tangue en 76. Chirac s'ennuie en second couteau, et l'aiguise patiemment, Giscard s'essouffle, les verts se blessent et se fatiguent par trop d'envie. Les Allemands les attendent pour la revanche, et les Britanniques ont revisité Trafalgar à Hibrox Parc, le décor du drame est planté. Des poteaux carrés.

Ave Cesar Morituri te salutant.

Les verts ont perdu, le peuple applaudit. Giscard perd son plus grand ennemi, la croisière ne s'amuse plus mais continue encore quelques années. Jusqu'en 81.

L'épopée se termine quand la droite rend son dernier souffle, Mitterrand s'installe, Chirac a pris Paris, le PSG se construit lentement, Bez est à Bordeaux, Tapie pense à L'OM, les autres grands se préparent. Les verts espèreront longtemps revivre cela, Giscard essaiera longtemps de retrouver sa place, mais les deux disparaitront de la scène en mai 1981 quand Sainté gagne son dernier titre et que Giscard quitte définitivement l'Elysée.

Les verts sont panthéonisés, Mitterrand leur déposera une rose.





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