Il y a encore quelques années, il aurait été impossible d’imaginer
cette pente sans fond, cette descente sans fin, ces abysses où mon
football s’approchent toujours plus de l’enfer. A moins qu’il n’y soit
déjà, à certaines générations de franchir le Rubicon, à d’autres de
franchir le Styx. Et quelle terrible ironie que dans la mythologie la
route vers l’enfer s’appelle les Champs Elysées, pour nous, Français, où
cette voie des victoires pour les plus anciens n’est plus que le reflet
des échecs pour les plus jeunes. Oui évidemment ne pas emprunter cette
avenue est le message le plus brillant que nos joueurs ne sont plus que
les ombres des plus grands. Et encore des ombres petites, inexistantes, à
peine un profil d’ombre en été.
Sans revenir sur les épisodes plus ou moins marquants depuis 2010,
plus ou moins montés par un milieu journalistique où l’autisme a
progressivement remplacé la consanguinité initiale, en attendant les
maladies dégénératives, cette fois, il n’est plus question de se
demander si cette dernière frasque est la goutte d’eau dans le vase. Ce
dernier incident, c’est le marteau qui a brisé le vase. Et comme tout
briseur de vase, il faut couper la tête au fautif. Peu importe sa pseudo
bonne composition, sa carrière exemplaire et surtout son brassard. S’il
en faut un, autant que ce soit le chef, de cette manière les pleutres
se décomposeront d’eux-mêmes.
« - C’est une révolte ? – Non sire, c’est une révolution »
Sans doute même davantage, c’est une déclaration de guerre, un
affront, une honte à commencer par sa famille d’origine espagnole qui
avait trouvé une terre d’accueil ici, chez vous, chez nous. Comment
peut-on imaginer faire ce qu’il a fait, l’émotion est encore trop forte
pour formaliser les phrases, pour trouver les mots justes, pour dire ce
qu’il a fait. C’est pourtant le seul moyen de se lâcher, de crier sa
haine, de tirer sur l’ambulance, de s’insurger contre l’impunité dont
cette caste a trop longtemps bénéficié.
Hugo Lloris a craché dans ses gants. Qui lui fournit ses gants ?
L’équipe de France. Hugo Lloris a craché sur la France. Devant des
millions de témoins comme un affront supplémentaire, comme un symbole du
mépris pour tous ces privilégiés. Bien impertinent sera celui qui osera
s’élever en disant qu’il s’agissait juste d’un fait de match, d’une
habitude prise depuis son plus jeune âge. Sauf qu’une habitude comme
celle-ci, les gens ne peuvent plus les accepter. Le peuple est avisé, le
peuple gronde et le peuple veut qu’on le respecte, il veut que ces
jeunes riches savent d’où vient leur richesse, de la bonne volonté du
quidam de perdre tant de son temps devant un écran à les regarder taper
dans un ballon et donner assez de temps de cerveau disponible au
maintien de l’économie française en consommant les produits si chèrement
placés.
Hugo, personne n’osera dire que tu déçois, tu réponds enfin aux
exigences de ton milieu, c’est ta probité, ton intégrité qui étaient
suspectes, tu rentres dans le rang. Il est même étonnant de ne pas
l’avoir fait avant. Tu comprendras, oui je te tutoie, après tout je te
connais depuis plus longtemps que ma propre femme, tu es chez moi plus
de fois que mes parents, je suis triste.
Ces cris d’orfraie que tu n’entendras sans doute jamais, seront
perçus comme une attaque contre ta personne, tes collègues, plus
généralement un milieu tellement présent dans nos foyers que chaque
écart de conduite conduit au trop-plein, au dégoût, au rejet. Je te
rejette car tu as été trop proche, trop vite, trop longtemps. Je te
rejette car malgré notre apathie, notre manière de végéter, nous voulons
encore faire semblant de penser, de se révolter, c’est notre manière de
nous sentir un peu vivant, l’apothéose serait évidemment que tu
réagisses, que tu t’emportes pour qu’enfin nous sentions, je sente la
lumière divine réchauffer mon égo. Que tu daignes t’abaisser à répondre,
c’est cela que nous voulons. Que tu daignes considérer notre avis,
notre attaque, et qu’au lieu de balayer cela d’un revers de main, tu
t’énerves et nous insultes. La cause est uniquement ce plaisir
masochiste et ce succès de la vanité.
Personne ne dira que c’est la jalousie de ne pas être à ta place.
@TheSpoonerWay
A Retrouver aussi sur : http://horsjeu.net/a-la-une/delire-dhugo/