mercredi, juin 03, 2015

Gabriel Heinze, Rainbow flag

On ne badine pas avec l’amour du maillot. Les supporters ont de nombreux défauts mais ils ont de la mémoire et font payer le prix fort à quiconque les trahira. Car oui, il faut y réfléchir à deux fois avant de choisir son camp et rien ne sert de se cacher, le supporter saura faire payer le prix cher à la duplicité de certains. Malgré tout, cela n’empêche pas de nombreux joueurs d’aller jouer dans des clubs rivaux. Les exemples à l’étranger sont nombreux, comme entre les deux Milan, le Real et le Barca, Dortmund et le Bayern, Arsenal et Chelsea (même Tottenham). En France, un phénomène étrange existe, les ventes de joueurs entre l’OM et le PSG qui sont appréciés différemment selon les concernés.
A l’heure des transferts bizarres et aux trahisons à venir, il est important de noter quelques spécificités dans les transferts vers les concurrents directs qui ne sont pas accessibles à tous les joueurs. La preuve.
Une cinquantaine de joueurs ont porté les maillots parisiens (sans majuscule) et Marseillais. Certains sont complétement oubliés comme Lowitz, Tokoto, Destrumelle. Certains l’ont porté trop tôt pour qu’on leur en tienne rigueur comme Cauet, Camara ou Makélélé. Certains l’ont porté trop tard pour que leur rayonnement ait vraiment de l’influence comme Déhu, Bravo, N’Gotty, Weah. Certains n’ont pas montré assez leur amour d’un des deux maillots et ont gagné une indifférence polie, comme Dalmat, Luccin, Luiz. Certains ont été considérés comme des traitres comme Fiorèse, Belmadi, Maurice. D’autres ont été pris dans des échanges bizarres comme Roche, Angloma. Enfin certains ont brillé sous les deux maillots et difficile de dire si leurs performances ont vraiment entamé leur cote d’amour dans les deux camps comme Cana, Cissé, Leroy et bien sur Gabriel Heinze. Ce beau blond au regard clair et au sourire enjôleur.
Heinze_MUMon légionnaire
Il avait de grands yeux très clairs
Où parfois passaient des éclairs
Comme au ciel passent des orages.
Aucun doute possible sur la qualité de ce seigneur, il est de la race des plus grands. Né d’un père allemand et d’une mère italienne en Argentine, il porte malgré lui les migrations douteuses du XXè siècle. Son physique ne passe pas non plus inaperçu, il incarne le gladiateur avec son regard glacial, sa mâchoire d’acier et ces pommettes coupées à la serpe. Cet homme vit le jour à Crespo un 19 avril 1978. Cet homme ne savait pas qu’il allait devenir l’une des stars des deux clubs les plus médiatiques du football français, « le sort fût pour lui bien étrange » aurait pu dire Hugo, car oui il y a du panache dans cet homme, un mélange de Valjean et Marius.
Avant cette étreinte française, le jeune Gabriel connaît une éclosion tardive. Professionnel à 18 ans, il ne joue que 15 matchs jusqu’à ses 21 ans. C’est à son retour du Sporting Lisbonne qu’il réalise une bonne saison à Valladolid.
On peut dire sinon qu’il a gagné la Coupe Intertoto avec le PSG.
Cela ne restera évidemment son seul fait d’arme, champion dans chaque grand club où il est passé (restons sérieux le PSG n’en fait pas partie), United, Real et OM, ses chevauchées, son envie, sa motivation ont régalé au delà des frontières et bien au-dessus des antagonismes sportifs. Respecté partout, par tous, quel que soit son maillot, il est celui que chacun veut dans son vestiaire. Intervenant toujours dans l’esprit du jeu, ses quelques débordements ne reflètent que sa difficulté à canaliser cette fougue qui fait défaut à tant de joueurs au train sénatorial. Alors oui il a reçu des cartons, beaucoup notamment au PSG (20 jaunes et 2 rouges lors des deux premières saisons) mais peut-on réellement reprocher à un jeune de marquer son territoire ? Certes les résultats du PSG peuvent stresser à cette époque malgré des joueurs de talent comme Ronaldinho et Pochettino. Les résultats ne suivent pas, sans doute un peu de tension et de frustration difficiles à canaliser pendant 90 minutes. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que c’est à cette époque qu’il est appelé en sélection par un certain Marcelo Bielsa, illustre inconnu de ce côté de l’Atlantique.
HeinzeRoma
Sa seule véritable catastrophe dans sa carrière sera une blessure lorsqu’il est à Manchester et qu’il est remplacé pendant son absence par Patrick Evra qui ne lâchera plus sa place. Homme de défi, ses dirigeants lui refusent un transfert à Liverpool et il atterrit au Real qui est sacré champion avec un Gaby sans doute dans la meilleure forme de sa carrière. Relayé pour sa 2e année de contrat sur le banc, il décide de rejoindre l’OM de Deschamps. Et de gagner le championnat. Et d’être aimé par le Vélodrome au moins autant que le Parc, ce qui n’a pas été le cas de beaucoup de joueurs, peut-être Alain Roche ou Cana, mais jamais dans la mesure de l’Argentin, cabot, moqueur et toujours à la hauteur, une locomotive pour l’ensemble du groupe, d’une ville qui attendait depuis trop longtemps ce titre. C’est d’ailleurs lui qui met le but qui libère un peuple et souille tant de caleçons en même temps. Son départ à la Roma un an plus tard, c’est un pari qui aurait pu être beau, mais bizarrement Heinze ne rentrait pas dans les plans du vieillissant Zeman. Pourtant dans une position plus avancée, il est fort probable qu’Heinze ait pu donner un nouveau souffle à ce poste. Il retourne donc à ses premiers amours argentins au Newell’s Old Boys.
Heinze en dehors d’un palmarès d’un fort beau gabarit est un joueur atypique. Très dur à l’effort, il compense un physique fin par un engagement sans retenue et une intelligence de placement au-dessus de ces concurrents et adversaires. Mais sa signature, son ADN, c’est son charisme, son envie, sa hargne, toujours dans le sens de l’attaque, aller de l’avant, rebondir, mettre la tête où d’autres ne mettraient pas le pied, haranguer ses coéquipiers, électrifier ses supporters, Heinze est un mélange subtil du leader à un poste de l’ombre, d’un physique léger avec un esprit de gladiateur et d’un sourire adolescent avec des canines de vampire. Car il sucera le sang des adversaires, les fatiguera, les mettra dans des états proches de la crise de nerfs, en étant rarement pris en faute. Heinze c’est aussi le petit malin qui saura plaider sa cause toujours avec succès parce que son état d’esprit est irréprochable. Ses coéquipiers passés, présents et futurs le savent, ses adversaires le savent, les arbitres le savent.
Le public le sait aussi. Non pas les supporters mais LE public, au singulier, celui du football, celui qui reconnaît qu’un joueur mouille le maillot et défend le maillot, sans duplicité, sans tromperie, mais un seul à la fois. Un engagement total dans l’instant présent. Imparable mais pas donné à tout le monde. Les prochaines semaines lui donneront encore raison.