mercredi, juillet 20, 2016

Pour tes vacances, voici l'Euro des livres

Pendant l'Euro2016, j'ai publié quelques conseils de lecture sur le site horsjeu.net pour les journées sans match. Ces livres viennent des pays qualifiés ou en parlent. Ce ne sont pas forcément les meilleurs ou les plus vendus, ce sont ceux que j'ai appréciés. Un bon moyen de retrouver tes héros du mois de juin pendant les vacances.

Si un pays manque, c'est que je n'ai pas lu de livre s'en approchant, sauf la France (tu es assez grand pour te débrouiller) et la République Tchèque (pour ne pas faire de publicité à un imposteur). 


Allemagne : « Hammerstein ou l’intransigeance », Hans Magnus Enzensberger

Albanie : « Le Sceptre d’Ottokar », Hergé

Angleterre : « Jonathan Strange et Mr Norrell », Susanna Clarke

Autriche : « La Marche de Radetzky », Joseph Roth – « L’Homme sans qualités », Robert Musil

Belgique : « Congo, une histoire », David Van Reybrouck

Espagne : « Confiteor », Jaume Cabré – « Dans la grande nuit des temps », Antonio Munoz Molina – « L’Ombre du vent », Carlos Ruiz Zafon

Hongrie : « Trilogie des jumeaux », Agota Kristof

Irlande : « Et que le vaste monde poursuive sa course folle », Colum McCann

Irlande du Nord : « Eureka street », Robert Mac Liam Wilson

Islande : « Les Sagas islandaises »

Italie : « Chaos calme », Sandro Veronesi – « Comme Dieu le veut », Niccolo Ammaniti

Pologne : « Les Disparus », Daniel Mendelsohn

Portugal : « La Valise en carton », Linda de Souza

Roumanie : « De l’inconvénient d’être né », Emil Cioran – « Rhinocéros », Eugène Ionesco

Russie : « Roman avec cocaïne » M. Aguéev – « Journée d’un opritchnik », Vladimir Sorokine – « L’évangile du bourreau », frères Vaïner

Suède : August Strindberg et Henning Mankell / Scandinavie : « La Faim », Knunt Hamsun – « Le Dernier lapon », Olivier Truc

Suisse : « L’Homme foudroyé », Blaise Cendrars

Turquie : « Sublimes paroles et idioties », Nasr Eddin Hodja


Ukraine : « Le Pingouin », Andrei Kourkov

Demain c'est loin, la prochaine finale encoe plus

La défaite de l’équipe de France dimanche en finale de l’Euro 2016, de son Euro, du dernier Euro avec un pays organisateur est un drame. Ne pas s’en rendre compte est d’un naïveté confondante, voire même la preuve d’un début de sénilité, ou pour les plus jeunes, les restes d’une maturité qui tarde à venir. Génération pourrie par les succès de leur enfance, adultes à la mémoire si courte qu’elle ne commence qu’en 1998, vous êtes des butors mal dégrossis et dangereux pour la société.
Faut-il être si érudit pour vous rappeler qu’une finale est rare, qu’une finale se chérit, qu’une finale se gagne, qu’une finale est peut-être toujours la dernière. Faut-il vous rappeler combien de finales de Coupe du monde, d’Euro, l’équipe de France a jouées depuis 1930 et les premiers frémissements des compétitions internationales construites ? Sur 35 tournois, elle en a disputées 5. 1 fois sur 7. Et rien avant le 19e tournoi, l’Euro 1984. Statistiquement, il pourrait se produire à partir de 2016, une absence de finale dans les deux grands tournois internationaux de football jusqu’en 2056 (20 tournois tous les 2 ans = 40 ans). Si aucun autre événement majeur n’interrompt d’ici là la fluidité de leur tenue, annulation, boycott, guerre… Le seul argument recevable est celui que tout le monde retient ou que leur mémoire fébrile leur permet, c’est de dire que la France a joué 4 finales (si on enlève celle un peu plus éloignée de 1984) en 18 ans. D’après vous, il est où l’accident de l’histoire : entre 1930 et 1984 ? Entre 1984 et 1998 ? Entre 1998 et 2016 ?
Je vous laisse vous poser tranquillement et prendre le temps qu’il faut pour vous faire une idée de l’abîme potentiel dans lequel le résultat de dimanche peut nous projeter. Et que vous êtes beaux à parler de générations en construction, d’un groupe qui vit bien. Vous êtes au courant quand même qu’il y a un certain nombre de blessés qui vont revenir dans le groupe sans avoir vécu cette aventure et entre le retard de vie commune à combler et la jalousie de ceux qui vont maintenant en être exclus, ça va être drôle. Je me permets de porter à connaissance également les problèmes conjugaux qui sont venus pimenter la préparation de la demi-finale contre l’Allemagne. La titularisation de Sissoko aurait-elle si évidente que cela, si la femme de Cabaye n’avait pas pris le monde à témoin de la tromperie de son cher et tendre ? Je vous rappelle que personne n’est à l’abri d’une sex-tape, d’un chantage, de blessures, ou d’un bras d’honneur en mondovision.
Une finale est un équilibre fragile qu’il est possible de ne jamais retrouver. Une équipe qui arrive en finale, elle le doit au talent des joueurs, à la vie du groupe, à la motivation des titulaires et des remplaçants, à la poigne du staff, au poids des supporters et à cette putain de chance qui ne quitte jamais un pays vainqueur. Faut-il rappeler match par match des compétitions gagnées par la France, la providence qui a accompagné les victoires ? Il est où le schéma de jeu lors d’une séance de tirs aux buts ? Elle est où la tactique quand Thuram met un doublé ? Où est l’identité d’une équipe quand on est mené à la 93e minute d’une finale et que c’est Barthez qui réalise l’avant-dernière passe de l’égalisation ? Arrêtez de nous les briser avec vos petits dessins, la victoire finale ne tient pas au respect de la tactique, elle tient à la chance et à la force d’un groupe qui y croit plus que l’autre. L’époque est à l’éreintement des commentateurs avec des calculs qui se veulent scientifiques quand l’histoire des victoires est à la spontanéité du moment. Que Deschamps n’ait pas de schéma mais qu’il arrive en finale et qu’un poteau décide du sort du match est tout ce qu’on peut dire. Une équipe est arrivée en finale et le plus triste est d’avoir été surpris pendant 5 secondes par un joueur de seconde zone. Et c’est le sport, et c’est tout.
S’adapter à l’adversaire est aussi une qualité, laisser la balle à l’autre est aussi un plan de jeu, résister sans rompre face à l’Allemagne est un coup de dé qui a fonctionné cette fois, mais les Bleus pourraient rejouer 20 fois le match et l’Allemagne pourrait gagner à tous les coups, sauf ce soir là et c’est tant mieux. Eder peut refaire sa frappe 200 fois, elle ne rentrerait de cette manière qu’une fois. L’équipe de France sur le terrain venait quand même de battre l’Allemagne, un groupe en confiance, ce n’est pas négligeable, d’autant que les matchs de la phase finale ont montré de belles séquences. Être heureux quand cela tourne en notre faveur vaut autant qu’être accablé quand cela ne veut pas rentrer. On pourrait rejouer la finale avec un Pogba plus vieux de quelques années et placé là où il veut que cela ne suffirait sans doute pas. Et cela ne suffira sans doute pas dans les compétitions à venir. Et la France n’aura sans doute pas d’autres finales avant longtemps. Quand bien même. Pourrait-on être heureux de gagner une compétition organisée en Russie ? Au Qatar ? La chance. La providence. Le caractère imprévisible du sport. Le contexte. Tous ces éléments qui ne rentrent pas dans une équation, aussi belle soit-elle.
Trois jours après la finale, que reste-il ? Pour gagner une compétition il faut être en finale, si si, Deschamps et son équipe ont donc rempli le contrat. La défaite ne doit rien aux grands calculateurs qui voudraient galvauder ce sport et qui critiquent le jeu de cette équipe. Tout n’est que constats a posteriori et malgré la pertinence de certaines remarques, il n’est pas dit qu’un autre schéma aurait donné un meilleur résultat. Comme il n’est pas dit qu’une équipe peut gagner avec les meilleurs joueurs du monde à chaque poste avec le meilleur entraîneur qui a la meilleure tactique. Un jour sans, cela arrive. Et les palmarès de ces compétitions montrent combien le savant équilibre pour gagner est précaire et incertain. Il faut savoir apprécier ce beau parcours, il faut savoir rendre hommage à cette équipe qui est allée si loin grâce à beaucoup de choses et malgré beaucoup d’autres choses. Il faut avoir l’humilité de reconnaître qu’une finale d’un Euro est un superbe résultat et la clairvoyance pour dire qu’une défaite à ce stade est un drame. Que cette équipe nous donne d’autres émotions à ce niveau, vite, le temps passe si vite.

lundi, juillet 04, 2016

Les Bleus, cette fabrique à souvenirs

J’en frissonne encore, je crois à peine à ce que je vois, revois, redécouvre depuis 10 ans. Les ralentis du monde entier ne suffiront jamais à réellement réduire le plaisir ressenti pendant le match, pas de lassitude, pas d’ennui, du jeu et de l’enjeu, un spectacle exceptionnel qu’il ne sera possible de revivre que dans un cadre précis : une compétition international, une phase d’éliminations directes, deux grandes équipes, trois ballons d’or sur le terrain et un quatrième en devenir, des joueurs immenses. Tout était réuni pour un match de légende et chaque supporter de l’équipe de France s’en souviendra longtemps. C’était le 1er juillet 2006, il y a 10 ans, les deux derniers champions du monde s’affrontaient en quart de finale du mondial allemand à Francfort, c’était France-Brésil.
Les images sont connues, inutile de revenir sur le déroulé du match minute par minute. Pour Barthez, le match était même gagné avant l’entrée sur le terrain des équipes : « C’était EuroDisney dans le couloir. En rentrant sur le terrain, je savais qu’on allait passer. » Il force un peu le trait le divin chauve, mais les images du couloir sont rares : les plus grands joueurs de l’époque qui discutent, rigolent, se tapent dans le dos, le tout avant un quart de finale de la Coupe du monde. Un dernier moment normalement dédié à la concentration, à l’harangue contre l’adversaire, où chaque rangée de joueurs se toise, se défie ou s’ignore.
Ce n’est pas par les actions de but que le match se différencie des autres, c’est par les gestes, l’attitude, la beauté du spectacle, les ralentis sur les arabesques de Zidane, les feintes, les courses, les contrôles, une danse contemporaine improvisée et parfaitement exécutée. Un maître à jouer plus qu’un soliste, un virtuose qui à 34 ans approche une pureté sophistiquée. Il n’est pas sur un contrôle-passe classique, il n’est pas sur une possession absolue de la balle, il est sur une possession absolue du jeu.
Zidane n’était pas seul sur le terrain et réduire la victoire à ses gestes est une fausse image, accommodante pour le souvenir collectif. D’ailleurs, c’est le collectif de cette équipe qui a été le socle de l’expression du 10 français. Certaines vidéos montrent les gestes de la défense, les tacles, les oppositions de corps, les écrans pour isoler les Brésiliens dans un coin du terrain. Il faut voir le match d’Abidal, de Thuram, de Gallas, de Sagnol, leurs tacles, leur cohésion, leurs couvertures et leurs permutations. Il faut voir le match du meilleur milieu du monde avec Vieira, héros déjà consacré avec ses matchs contre le Togo et l’Espagne, et Makélélé. Une complémentarité physique et de compétence. Et puis l’attaque, Zidane, Malouda, Henry et Ribéry. Malouda et Ribéry, les deux suceurs de ligne attitrés qui vont dans les jambes, qui débordent, qui dédoublent, qui provoquent, qui usent et qui agacent. Et Henry, finaliste récent de la Ligue des champions, futur meilleur buteur de l’équipe de France mais qui en est encore loin. Henry qui se démarque de Roberto Carlos au moment où Zidane tire. La seule passe décisive de Zidane pour Henry, oui on finira par le savoir, « c’est un fait de jeu » comme Sagnol l’a dit. Ce serait une belle passe s’il ne fallait pas également retenir l’attitude de la défense brésilienne, magnifique de dilettantisme avec un Roberto Carlos qui fait ses lacets et en tout trois joueurs brésiliens pour cinq joueurs français dans la surface. Difficile de s’en plaindre mais il faut avouer que leur aide a été bienvenue.
Ce coup-franc, excentré, et cette manière de le tirer, on ne s’est jamais arrêté sur cette balle qui flotte haut dans le ciel et retombe au pied du deuxième poteau sur le pied accueillant de Thierry Henry. On n’a jamais trop parlé de ce pied droit de Zidane qui claque la balle, cette jambe qui s’arrête tout de suite après la frappe. Et chose plus curieuse, la jambe gauche, le pied d’appui qui fait un petit bond qui déséquilibre une fraction de second le corps juste après la frappe. Zidane s’arrête, regarde, lève les deux bras en marchant vers sa moitié de terrain. C’est Vieira, l’autre héros de cette coupe du monde qui lui saute dans les bras.
Thierry Henry célèbre à sa manière le but, une course tête baissée les bras le long du corps pour dire « mon job est fait ». Et puis un déclic, il n’ira pas le fêter seul au poteau de corner, un regard avec les autres et une course vers le banc accompagné du reste de l’équipe. C’est Chimbonda qui lui saute dessus. Et l’équipe reprend sa place, concentrée, solide, unie. Seul objectif compte, passer encore une fois le Brésil.
Et les changements de Domenech… La France mène depuis la 57e minute, tient son match, le sélectionneur fait trois changements : Ribéry, Malouda et Henry sortent. Qui rentre ? Trois attaquants : Govou, Wiltord et Saha. Oui. Et enfin, le coup-franc de Ronaldinho à la 89e minute à 18 mètres. Un tir qui rase la transversale, un tir que Barthez ne pouvait pas avoir si le ballon était redescendu un peu plus vite.
Joe Dassin aurait aussi le chanter comme ça : « Et je me souviens très bien, c’était il y a 10 ans, un siècle, une éternité ». Dimanche soir, l’équipe de France joue encore un quart de finale. Peu importe l’adversaire, il peut y avoir des matchs faciles mais il n’y a pas de match gagné d’avance. Il faudra le jouer et le gagner. Forcément s’il prenait aux joueurs de l’équipe de France l’idée de nous offrir un récital comme il y a 10 ans, ce serait encore plus beau. Certains matchs ne s’oublient pas, on connaît encore la composition des deux équipes presque par cœur. Peu probable qu’on retienne le nom des joueurs de l’Islande, peut-être que plus de gens arriveront à placer le pays sur une carte, c’est toujours ça de pris.
Plus que le résultat, on veut des souvenirs, on veut vibrer, on veut entendre les mots de Klopp à la mi-temps de Liverpool-Dortmund : « créez un moment que vous pourrez raconter à vos petits-enfants, rendez cette nuit spéciale pour les fans. » L’équipe de France n’est pas obligée de gagner toutes les compétitions, elle ne pourra pas et n’est obligée en rien. En 2006, elle n’a pas gagné, pourtant ces matchs étaient fabuleux et qui les a vus, s’en souvient. A deux jours de ce nouveau quart de finale, je suis déjà fébrile, le match passera vite et les jours défileront par la suite comme d’habitude. Ce serait tellement bien de se souvenir dans 10 ans de ce dimanche soir.

Sur twitter @TheSpoonerWay

A retrouver également ici : http://horsjeu.net/hors-sujet/bleus-cette-fabrique-a-souvenirs/